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Sybille de Bollardière

chroniques

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En marge

16 Février 2016, 10:19am

Publié par Sybille de Bollardiere

En marge

Quand on en a fini avec un livre, on range ses débris, les petits carnets griffonnés en marge de l'écriture régulière. En marge du temps. Voici quelques pages retrouvées écrites pour se dé-saisir de soi avant d'entrer dans la fiction, parfois quelques brouillons qui ont échappé au roman.

Les frères. J'écris en leur nom. Maintenant qu'ils sont tous morts, je redeviens fidèle à ce que nous avions en commun, ce qui me terrifiait et n'appartenait qu'à nous.

Je ne suis pas un être unique mais la coexistence de différentes vies, de différentes attentes qui émanent des autres mais aussi de moments que j'ai choisis, souhaités.

Les interférences. Être la mère, la sœur, l'amante, l'amie, la protestante, la laïquarde, l’extrémiste mais aussi «l'héritière». Même si je n'ai choisi qu'une part de mon héritage, il en est une autre qui me revient malgré moi. L'histoire des hommes de ma famille paternelle, son caractère sombre, dramatique et pour ainsi dire implacable, inéluctable, en fait partie. L'Armée, les guerres, le Roi, l'antisémitisme, les défaites, la violence, les règles et le courage imbécile. Ma famille maternelle, parce-qu’elle représentait l'accès à l'art, la culture, les voyages, et la nature, était synonyme de libération. Elle m'a offert d'autres dieux, la réflexion libre et dans l'arbre généalogique un certain Abraham qui devait beaucoup compter pour moi.

Ma première pensée de femme libre c'est la révolte. Contre mon père, contre l’oppression, contre le colonialisme, contre l'antisémitisme. Mes héros sont révolutionnaires. Saint Just, Lénine, Nasser.

Je ne crois pas à la politique, seulement à la révolution mais la politique a toujours fait partie de ma vie comme de celles des hommes, c'est leur mauvais génie.

Injonction en marge: Retourne à ton récit!

En découvrant la vie, en partant à la recherche du père, en fouillant sa vie, j'en m'en privais irrémédiablement, je devenais orpheline, incapable de lui substituer d'autres modèles.

La clarté a dissipé les malentendus, l'amour aussi. Il reste la pitié et la honte. J'écris à partir de ce désastre, de ces mauvais sentiments, du rejet d'un milieu que je ne dirai pas mien. Traître oui, mais dans la reconnaissance de ce que je leur dois: La chose écrite. Mais aussi une langue, ils ont armé ma langue à mon insu.

L'arbre maternel est toujours venu justifier mes choix et mes actions et finalement je suis de cette guerre intestine entre deux arbres paternels et maternels. Je suis leur guerre même si les raisons qui nous poussèrent au désastre restent opaques.

Parfois je suis un homme. Ça n'a rien de sexuel, ça se passe comme ça dans le rapport aux éléments quand je travaille dehors, quand je marche au bord de la mer et souvent quand j'écris. C'est une histoire de carrure et de masse.

Quand je suis une femme je souris ou je pleure et c'est rare pour moi de pleurer maintenant.

Quand je suis un homme je marche, j'écris. Je souffle, éreinté par le poids d'une histoire.

Mes deux bras d'hommes quand je coupe du bois, quand je creuse.

Il y a toujours dans ma relation avec les hommes une part de camaraderie et d'homosexualité. C'est aussi ma part d'homme qui les désire, les aime.

à suivre

 

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Paris...

15 Novembre 2015, 09:17am

Publié par Sybille de Bollardiere

Paris...

Quel sens donner au mot écrire en ces jours de deuil ? Je vais aller marcher près de la mer, longer les plages et les grèves en pensant à ceux que j'aime. Pour pour eux et pour vous cette lettre de Chagall, ses couleurs et ses mots pour Paris, notre ville, la mienne au fond du coeur.

Paris

Chacun dans son coin, nous nous sommes dirigés vers Paris, non pas pour avoir une carrière, car à ce moment-là il y avait peu de chance que nous y parvenions, mais afin de pouvoir nous exprimer librement et totalement et par dessus tout, pour trouver des outils artistiques afin d’extérioriser nos sentiments.

Je ne sais pas vraiment comment l’expliquer mais au fil des deux siècles précédents, Paris a été le seul endroit où l’on pouvait véritablement évaluer les vertus et les faiblesses d’une image.

J’ai quitté ma terre natale en 1910. A cette époque, j’ai décidé que j’avais besoin de Paris

J’y suis allé car je cherchais sa lumière, sa liberté, sa culture et l’opportunité d’y perfectionner mon art. Paris a illuminé mon monde de ténèbres comme le soleil lui-même l’aurait fait.

J’ai passé mes jours à vagabonder Place de la Concorde ou près des jardins du Luxembourg.

J’ai contemplé Danton et Watteau, j’ai arraché quelques feuilles.

Oh, si seulement je pouvais parvenir, chevauchant l’une des gargouilles de Notre-Dame comme s’il s’agissait d’un cheval, à tracer un chemin à travers cieux à la force de mes bras et mes jambes.

Te voilà, Paris. Tu es mon second Vitebsk [ville natale du peintre].

Marc Chagall

le site http://www.deslettres.fr/

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latitudes

24 Octobre 2015, 06:47am

Publié par Sybille de Bollardiere

latitudes

Ce matin... Nuit noire où quelques étoiles baveuses annoncent le gris du jour à venir. Reflets de lampe sur la vitre... D'ici 48 ème parallèle où plus haut sur cette ligne virtuelle qui va des Aléoutiennes, Edmonton, Dublin, Liverpool, Brême, Minsk à Petropavlosk au Kamtchatka, il y a toujours un miroir, un œil, une nuit où noyer son image.

19 octobre, 12 heures. Quelque part sur la 53 ème parallèle. Le temps rythmé par le son de la chute des glands sur le toit, le tic-tac de la pendule et les claquements des radiateurs sous les reprises du chauffage. Je sors entre deux pluies, photographie mon âme dans une bassine d'eau croupie où l'automne a jeté ses premières feuilles.

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Ecrivaine intérieur cour

22 Septembre 2015, 06:47am

Publié par Sybille de Bollardiere

Jeune homme par Jacques VAN OOST XVII - Musée des Beaux Arts, Nantes

Jeune homme par Jacques VAN OOST XVII - Musée des Beaux Arts, Nantes

Ecrivaine, je n'aime pas ce mot mais ça lui va bien, c'est une femme et elle écrit, d'ailleurs elle aura peut-être un prix littéraire cette année. De là où je suis – devant une table de travail dans un appartement parisien – je ne vois que ses mains et leurs gestes définitifs dans le feuillage de sa « balconnière » probablement du persil ou du basilic. Il est huit heures et demi du matin, je l'imagine avec un petit déjeuner sans gluten et un smoothie à la chlorophylle. Pour moi ce sera café au lait, tartine et confiture de mûres. Une cour d'immeuble nous sépare et beaucoup d'autres choses qui n'intéressent que moi. On ne se connait pas, on s'est croisées et mon visage lui dirait surement quelque chose mais peut importe, je suis presqu'invisible plus bas, dans la partie sombre de la cour et de toute manière je ne suis que "de passage".

Ses mains sont longues, nerveuses, précises, elle arrache, coupe, taille. C'est une femme organisée, ça se voit. Elle se lève tôt, s'affaire devant les fenêtres. Le soir, sa silhouette traverse ce qui doit être un salon, nimbée d'une lumière rouge et pourtant froide.

En écriture aussi elle est bien organisée, je ne peux pas dire que j'aime ses livres mais « ça se tient », chapitres bien calibrés, petites phrases sèches. Elle découpe, répartit, cingle, dissèque. Elle doit bien faire la cuisine aussi.

Je la lis parfois, mais jamais d'une seule traite, le plus souvent par morceaux, des extraits que j’insère, partage. Je veux me faire ma petite idée. Cette année, elle aura sûrement un prix et c'est normal après tous ses livres, tout ce travail.

 

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