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Sybille de Bollardière
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L'homme orange

4 Mai 2015, 06:50am

Publié par Sybille de Bollardiere

L'homme orangeL'homme orange
L'homme orangeL'homme orange
L'homme orangeL'homme orange

S'il y a une exposition à ne pas rater, c'est bien celle de Dan. Si vous passez dans les environs du Perche lors d'un des prochains week-ends de mai, c'est une bonne occasion de découvrir une oeuvre hors norme. Dan Vautier est un homme aussi extravagant que réservé, c'est la première fois qu'il expose et pourtant il y a déjà longtemps que l'homme orange travaille à ses étonnants portraits. La couleur, l'orange, le bleu mais aussi un regard plein d'élégance, de tendresse et de dérision sur ce qui l'entoure.

Les week-ends du 9 et 10 mai, 16 et 17 mai, et du 23, 24 et 25 mai

Rouges en Verts - Atelier et Galerie  

Route de l'Abbaye - 61380 - Soligny la Trappe

email rougesenverts@laposte.net Tel : 02 14 20 16 81

 

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Jour de mer

30 Avril 2015, 20:36pm

Publié par Sybille de Bollardiere

Jour de mer
Jour de mer
Jour de mer

Verticales de bleu, larmes sèches dans la gorge. Tout garder pour l’écriture. Sur le sable encore humide, l’enfoncement des talons. La passe vers la haute mer se devine à l’écume, sa lèvre blanche dessine le chenal. Plus près, sillage des bouées ou le damier des jours à venir. Pas une voile dans le vent glacé d’avril. C’est ici face à l’ouest qu’on attend. L’homme, l’enfant, le dernier soleil. Tout est là désormais, attente, promesse, mémoire, passions et désillusions. Tout ce qui les rassemble dans ce paysage et les englobe sans pour autant les effacer. Plage immense tamisée par des générations de vagues. Plage lavée, vidée, recrachée, étirée jusqu’à l’ouest finissant et l’ile déserte dans son isolement. Je ferme les yeux pour entendre de mémoire le sable crissant comme la neige et plus haut, luttant contre le vent, celle que j’étais quand je marchais pour l’attendre. Que tout est simple désormais.

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l'irrésolue

12 Avril 2015, 16:40pm

Publié par Sybille de Bollardiere

l'irrésolue
Une femme comme en exil de sa propre vie
Ombre de femme gémissant dans son souffle
Emmurée, inconnue, complice et éphémère 
Elle, la  sœur, la mère, la fille, la nourrice et l’héroïne
Et toutes les autres femmes qu’elle porte sous la peau
De l’aube au quotidien gelé des silences.
Elle est la guerrière défaite ou victorieuse
La veuve, l’orpheline et l’illégitime
Mais aussi toutes les femmes aux cheveux
noués, tirés, nattés, cachés, lâchés
Elle est  l’infidèle, la libertine, la voyageuse et l’irrésolue
Toutes les  femmes siphonnées de leurs rêves
Eventrées, violées, répudiées ou seulement oubliées
Comme la femme bleue de Madison.
Elle, multiple et contraire dans l’océan des passions
Aphasique dans la déraison, elle choisit son bourreau
Epinglée, désirée et même admirée,
Elle avance dans le gris des semaines
Noire, suzeraine ou courtisane
Libre et enchaînée
Comme les filles de Tselophchad
Machla, Thirsta, Hogla, Milca et Noa
Femmes sous la loi dans les plaines de Moab
Elle avance dans sa substance et dans sa chair
Déformée, aveugle, vomissant des pierres noires.
Avec ses rides sur le cœur
Elle est la peur, la jalousie et la mort
Pour quelques temps encore l’amie, l’amante et l’innocente
L’amer,  l’amour, le poison et l’antidote
Mais pourquoi se suffire d’une seule vie ?
Femme et femmes encore, singulière et plurielle
Il y a longtemps que le chagrin ne m’avait si bien accompagnée.
 

Illustration: Sibylle de Delphes  - Michelangelo - Détail - Chapelle sixtine

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La mère

7 Avril 2015, 09:06am

Publié par Sybille de Bollardiere

Toile de Patrick Nupert qui expose actuellement au "Jardin Propice" à Saint Langis- lès- Mortagne. https://www.facebook.com/pages/Le-Jardin-Propice

Toile de Patrick Nupert qui expose actuellement au "Jardin Propice" à Saint Langis- lès- Mortagne. https://www.facebook.com/pages/Le-Jardin-Propice

Parler de ma mère, c’est parler de moi, du plus intime de moi et même d’un avant moi, d'un avant soi. J’ai gardé de cet avant le sentiment très fort qu’il avait été heureux, la nostalgie d'une intimité liquide et d’un bonheur muet et partagé. Je devais me sentir bien et paisible car j’ai beaucoup retardé le moment de naître. Trois semaines à ce qu’il parait, un long bébé de près de 5 kg avec des yeux ouverts, des ongles et plein de cheveux. Je suis née juste un an après la mort d’une petite fille de deux mois. Ma mère n’a pas souffert. Je suis un bébé sage et en bonne santé mais très vite ma mère n’est plus vraiment heureuse, c’est déjà une femme trompée et bafouée. Si elle ne redoute ni la douleur, ni la solitude, elle craint le scandale et pour ne pas décevoir sa propre mère, elle va choisir de se taire, d’avoir d’autres enfants et de me confier justement à cette grand-mère qui prendra une place si importante.

Je suis une femme entre deux mères qui n’a trouvé la paix qu’en devenant mère elle-même. Ce bonheur à l’abri des miens m’a permis d’avoir un autre regard sur mon enfance et des années noires dont je ne parlerai pas. Il n’y plus de témoin et y a-t-il jamais eu un coupable ?

Aujourd’hui ma mère est âgée et nous nous rapprochons de cette intimité animale de nos débuts dans les regards, plus que dans les gestes. Nous nous sommes aimées sur le tard, trop tard pour les câlins mais j’ai pris son parti et le mien aussi. Elle est et a toujours été par mon choix délibéré, mon père et ma mère à la fois, ou plutôt une sœur aînée sur laquelle j’ai veillé. En échange ou peut-être par négligence, elle m’a offert la liberté. Je crois que, peu maternelle, elle en avait besoin pour elle-même. Je l’ai regardée aimer et elle m’a observée avec curiosité « pousser comme une plante sauvage ». C’était son unique principe d’éducation.

Un jour, je n’avais pas quinze ans, elle découvrit un de mes poèmes. Pour elle qui avait toujours rêvé d’écrire, ce fût comme une révélation, une frontière venait de s’effacer entre nous. Je me souviens de son regard, de ses mots aussi « C’est toi qui a écrit ça ? »Le poème s’intitulait « Solitude de l’amour » J’ai compris ce soir là que je venais de faire quelque chose d’important. J’ai vu que ma mère me voyait comme elle ne m’avait jamais vue. Nous avons partagé en confidence ses amours, ses déceptions et parfois la musique qui les accompagnait : Wagner, Schumann, Mozart, Ravel, Poulenc. Des livres aussi, certains dédicacés par elle pour que je puisse les lire en pension : Stendhal, Radiguet, Montherlant, Sagan, et même le sulfureux D.H. Lawrence avec « L’amant de Lady Chatterley.

Les années ont passé, les enfants ne pleurent plus que dans nos rêves et quand je lui téléphone ou m’assieds au pied de son lit pour nos messes basses matinales, nous parlons de l’été qui tarde et des hivers trop longs, de musique encore et de livres toujours. Celle qui fut autrefois belle et lapidaire dans ses jugements, se contente de ses souvenirs, d’un regard sur son jardin quand elle n’affronte pas les douleurs d’un corps défait, meurtri, presqu’immobile. J’ai commencé à parler d’elle au passé en sa présence. D’un futur qui ne lui appartiendrait pas, qu’elle ne lirait pas. Alors ma mère me souffle sa mémoire, la mélange à ma vie en toute lucidité pour qu’amnésique, j’écrive le livre qu’elle n’a jamais commencé.

Texte publié en Juillet 2012 sur le site de Mathieu Simonet "La Maternité"

 

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